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Georges St Pierre : Même les invincibles ont des cicatrices

By Elliot Worsell
Traduit près Antoine Simon

Georges "Rush" St Pierre se souvient parfaitement de cette journée. Il se souvient des bruits, de l’appréhension, de son cœur battant la chamade et du premier coup lancé. Il se rappelle l’énorme tâche qui l’attendait et cette absolue nécessité de vaincre sa peur.

Georges n’a alors que 11 ans et il s’apprête à livrer le plus grand combat de sa carrière.

By Elliot Worsell
Traduit près Antoine Simon

Georges St Pierre : Même les invincibles ont des cicatrices

Georges "Rush" St Pierre se souvient parfaitement de cette journée. Il se souvient des bruits, de l’appréhension, de son cœur battant la chamade et du premier coup lancé. Il se rappelle l’énorme tâche qui l’attendait et cette absolue nécessité de vaincre sa peur.

Georges n’a alors que 11 ans et il s’apprête à livrer le plus grand combat de sa carrière.

 Je quittais l’école avec mon ami Mathieu et nous avons été approchés par un groupe de voyous du quartier, un peu plus vieux que nous , raconte St Pierre.  

 Nous nous rendions à l’arrêt de bus avec un groupe d’amis que nous connaissions. Ces amis n’étaient ni des durs, ni des gamins populaires, c’étaient plutôt des grosses têtes. Des gamins intelligents qui n’aimaient pas les confrontations. Alors que nous attendions le bus, nous avons repéré les trois voyous se rapprochant de nous puis nous avons entendu un bruit de crachat. On aurait presque dit qu’il commençait à pleuvoir. Je me suis retourné pour leur faire face mais Mathieu a lui accéléré le pas. Je l’ai rattrapé et j’ai remarqué qu’il y avait de la salive sur son manteau. 

Ce que Georges redoutait venait de se confirmer. Le Franco-canadien venait une nouvelle fois d’être pris pour cible par les brutes à l’école. Mais cette fois-ci, les choses allaient être différentes.     

 Je m’apprêtais à retourner vers les voyous pour leur dire qu’ils avaient commis une erreur, continue St Pierre, mais Mathieu ne voulait pas y retourner. Il voulait juste rentrer chez lui. Comme la plupart des gamins de l’école, il avait peur de ces voyous et il était prêt à leur donner tout ce qu’ils voulaient pour qu’ils le laissent tranquille. Je n’étais pas comme eux et je me disais qu’il fallait que ça cesse. Même s’ils nous avaient botté le cul, au moins nous nous serions défendu et nous leur aurions montré qu’ils ne pouvaient pas s’en tirer comme ça.

St Pierre est donc retourné "au charbon", pour se confronter à voyous, mais surtout pour se confronter à ses propres peurs.

 J’ai laissé Mathieu et j’y suis retourné seul, explique St Pierre. J’ai prétendu avoir oublié quelque chose – une trousse ou quelque chose comme ça – et je me suis dirigé vers l’école. Alors que je me rapprochais des voyous, j’ai fermé le poing derrière mon dos et je me souviens l’avoir serré vraiment fort. Ils ne se doutaient pas de ce qui allait arriver. J’ai caché mon poing et j’ai souri alors que je me rapprochais. Quand je suis arrivé à leur hauteur, j’ai foncé vers la première brute et je l’ai frappé en pleine mâchoire. Il s’est aussitôt effondré et les deux autres m’ont sauté dessus. 

 Je ne dirais pas que j’ai gagné le combat ce jour là, ils étaient trop nombreux et trop grands, mais j’ai tout de même gagné une bataille… Une bataille mentale. J’ai montré à ces mecs que j’étais un gamin qui ne se laissait pas faire et ils m’ont plus ou moins laissé tranquille après ça.

Il ne s’en doutait pas à l’époque, mais ce refus de se laisser battre ou dominer a ensuite joué un rôle prépondérant dans sa future carrière dans les arts martiaux mixtes. Il n’était alors qu’un jeune garçon, mais St Pierre mettait déjà en place les fondations d’une vie vouée à la compétition. Malgré le mini triomphe à Montréal ce jour là, les parents de St Pierre ont rapidement mis fin aux velléités d’autodéfense que Georges  aurait pu développer.

 Ma mère était en pleurs quand elle a vu ce que m’avaient fait ces brutes, rigole St Pierre. Elle voulait savoir ce qu’il s’était passé et connaître le nom des gamins qui avaient été assez méchant pour m’infliger ça.

 C’était déjà assez embarrassant, mais mon père est allé encore plus loin en contactant l’école et en se rendant aux domiciles des brutes. C’était bien évidemment la chose à faire d’un point de vue parental, mais c’était incroyablement embarrassant pour moi. Vous ne voulez pas être vu en train de rapporter à vos parents ce qu’il s’est passé à l’école. Vous ne voulez pas que votre mère et votre père règlent vos problèmes à votre place. J’ai vraiment eu honte.

Mais St Pierre n’a pas eu honte bien longtemps de l’intérêt que ses parents lui portaient. Après tout, c’est son père qui lui a fait découvrir le karaté kyokushin quand il avait 7 ans.  

 Mon père était ceinture noire de karaté kyokushin et il était un modèle pour moi étant jeune, révèle St Pierre. J’étais voué à suivre la tradition familiale. Je voulais vraiment réussir dans les arts martiaux, parce que je savais que cela comptait beaucoup pour mon père.

 Je voulais suivre les traces de mon père et j’aurais eu l’impression de le laisser tomber si j’avais échoué ou si j’avais décidé de choisir une autre voie. Tout le monde joue au hockey sur glace au Canada, mais ce sport ne m’a jamais attiré autant que les autres enfants de mon âge. Ils étaient tous fans de ce sport et collectionnaient les magazines et les cartes à échanger. Je n’ai jamais été comme ça.

Entre ses accrochages avec les brutes et son apprentissage des arts martiaux, St Pierre participait à de nombreuses compétitions d’athlétisme et regardait les films de Jean-Claude Van Damme. A l’époque, son film préféré était "Bloodsport" et son passe temps favori était de jouer aux échecs.

 J’essayais tout ce que l’école nous proposait et je m’inscrivais à tous les clubs de sports, explique GSP. J’ai couru le 100 mètres et le 400 mètres, j’ai fait du saut en hauteur, du saut en longueur et j’ai également joué aux échecs. 

 Ca peut sembler être une combinaison bizarre mais, pour être honnête, mon amour pour  les échecs m’a beaucoup servi dans les arts martiaux mixtes, peut-être plus encore que tous les autres sports que j’ai pu pratiquer. On compare souvent le MMA à un jeu d’échec grandeur nature et c’est exactement ça. Aux échecs, on utilise à son avantage les faiblesses de l’adversaire et on met au point une stratégie pour s’imposer. C’est la même chose en MMA, sauf que c’est un peu plus physique.

St Pierre était un enfant calme et sans prétention durant sa jeunesse, mais il n’a jamais éludé le côté "physique" de la vie. Son père était un maître dans l’art du combat et c’était donc dans la nature de Georges de se battre pour ce qui est juste. Il détestait voir des camarades de classe plus jeunes se faire harceler et il détestait encore plus être pris à partie par les brutes.

 J’avais beau m’entraîner en karaté, parfois je me retrouvais devant des gars plus grands et je me faisais tabasser, révèle St Pierre. C’est arrivé très souvent à l’école. J’aurais certainement pu les battre en un contre un, mais ils se mettaient à plusieurs sur moi et ils étaient généralement plus vieux et plus balèzes. J’avais souvent à affronter trois ou quatre gars à la fois. Mais je n’ai jamais rien lâché et avec le temps, ils ont fini par me laisser tranquille.

La douleur est supposée s’estomper avec le temps, mais St Pierre n’est pas fan de cet adage. Ses blessures d’après combat guérissent peut-être en quelques semaines, mais les souvenirs de ses premiers combats – ceux qui n’étaient pas organisés ou arbitrés – persistent comme de la salive sur un manteau.

 J’ai beaucoup appris durant mes années d’école, admet Georges. Ce qui est marrant, c’est que la plupart des cicatrices que j’ai viennent de cette période et non de mon expérience dans les arts martiaux. Les gens ont du mal à y croire. Ils me voient comme un champion de l’UFC fort et dominant et ils assument que j’ai toujours été celui qui donnait les coups. C’est loin d’être le cas. C’est à l’école que j’ai connu mes plus grandes douleurs.

 Combattre en MMA est relativement facile comparé à ce que j’ai dû endurer étant jeune. Vous avez des mois de préparation avant un combat à l’UFC. Vous pouvez entraîner votre corps et votre esprit pour être prêt le jour J. Vous connaissez la date, le lieu et la raison de votre prochain combat. Vous pouvez imaginer le résultat. Dans la cour de récréation, c’est totalement différent. On ne sait jamais quand une bagarre va éclater, ni pourquoi un grand veut vous frapper. A l’école, on n’a pas le temps de se préparer et on ne peut pas négocier. 

    

St Pierre n’a jamais préparé un affrontement à l’école. Et pour cause, ce n’était qu’un gamin. La seule responsabilité qu’il avait à l’époque était d’arriver à l’heure en classe et de faire ses devoirs. Aujourd’hui, le nom de GSP est lié au succès (sans cesse) grandissant du MMA, mais étant plus jeune, Georges était plutôt un garçon qui refusait l’affrontement.

 Les gens ont généralement une mauvaise image des combattants, présumant à tort que nous voulons toujours nous battre pour montrer notre valeur, explique t-il. Ils pensent que nous cherchons toujours à tabasser quelqu’un. C’est archi faux ! Je ne me suis jamais battu dans la rue pour parader. Le MMA est mon art – c’est une compétence que je n’utilise que dans le cadre de mon travail.

 Si mon professeur de karaté avait découvert que je me battais dans la rue, il m’aurait jeté de l’académie et m’aurait dit de ne plus jamais revenir. Pour rien au monde je n’aurais voulu arrêter le karaté et c’est la raison pour laquelle je n’ai jamais songé à me battre dans la rue. 

Malgré sa réticence à se battre dans la cour d’école, St Pierre a remarqué quelques changements physiques à l’âge de 14 ans, ce qui lui a ensuite permis de marcher la tête haute dans les couloirs.

 

 Je me souviens qu’à l’âge de 14 ans, j’étais probablement le garçon le plus fort de l’école, admet St Pierre. Je n’étais pas le plus grand, mais j’étais le plus fort. Tout le monde le savait. J’étais plus fort que les autres athlètes, plus fort que les garçons plus âgés… J’étais même plus fort que mon père. Quand on s’amusait dans la cour, je jetais au sol tous les plus gros et les plus grands, sans forcer.  

 Je n’ai jamais été agressif. Je n’essayais pas de prouver quoi que ce soit. Je voulais juste me sentir fort, pour pouvoir défendre ce que je croyais être juste. Je n’avais plus peur de me défendre et les brutes le savaient.

Tout le monde le savait. Des années plus tard, St Pierre a réalisé que les brutes qui le martyrisaient avaient bien compris qu’il ne fallait plus le chercher. 

 Je n’ai jamais vraiment eu ma revanche sur les types qui me harcelaient à l’époque, explique St Pierre. Je me défendais bien sûr, mais je n’ai réalisé que plusieurs années après que j’avais gagné leur respect. 

 Je me baladais dans un centre commercial à Montréal et je suis tombé sur l’une des brutes – devenu adulte – qui venait dans ma direction. Nos regards se sont croisés et j’ai vu qu’il m’avait reconnu. Je l’ai toisé du regard et il a vite baissé les yeux. Il m’avait visiblement vu à la télé et il savait ce que j’étais devenu depuis l’école.

   

La plupart des gens auraient savouré ce moment, mais pas St Pierre, qui ne regarde aujourd’hui que vers l’avant.

 Je considère la vengeance comme une énergie négative. On ne devrait jamais vivre avec de la rancœur où avec un désir de revanche envers quelqu’un. Il est très dangereux de combattre avec cet état d’esprit.

Mais qu’est donc devenu Georges St Pierre ? Pour que les néophytes le cernent un peu mieux, disons que c’est probablement le plus grand combattant de MMA au monde. Il possède un palmarès professionnel de 19 victoires pour 2 défaites et il remporté deux fois le titre welterweight de l’UFC. Au cours de ses 8 ans de carrière, il a vaincu BJ Penn et Matt Hughes à deux reprises et il a accroché à son "tableau de chasse" des pointures comme Thiago Alves, Jon Fitch, Sean Sherk, Matt Serra et Josh Koscheck… pour ne citer qu’eux.

St Pierre possède non seulement un talent inné pour ce sport, mais également une éthique de travail dont tous les combattants de MMA devraient s’inspirer. C’est un lutteur hors pair (qui n’a pourtant jamais participé à une compétition de lutte durant sa jeunesse), un striker redoutable et une ceinture noire de jiu-jitsu brésilien. Pour faire court, Georges St Pierre est le prototype même du combattant de MMA moderne.  

 J’ai une théorie pour expliquer mon succès, explique St Pierre. Pour moi, tout est lié à la nature et à la nourriture. Je suis très porté sur la philosophie et je crois que dans la vie tout n’est qu’une combinaison de génétique et d’environnement naturel. J’ai de bons gènes, une bonne santé, de bons réflexes et un héritage familial exceptionnel.

 Je m’entraîne avec les meilleurs coachs au monde et je peux améliorer mes compétences tous les jours. Bien peu de personnes peuvent s’entraîner comme je le fais. J’ai à ma disposition tous les "outils" nécessaires à ma réussite.    

St Pierre est semble t-il né pour être combattant de MMA. Etant enfant, il utilisait déjà ses connaissances en arts martiaux pour se défendre dans la cour d’école et se protéger des voyous qui le martyrisaient. En grandissant, son amour pour les arts martiaux est resté intact et ce, peu importe où la vie le menait.

 J’ai testé plusieurs boulots étant jeune, se souvient St Pierre. J’ai dispensé des stages à l’armée, j’ai travaillé comme videur et j’ai également aidé des délinquants à reprendre leur vie en main. 

 J’ai fait de nombreux discours et donné des leçons à ces jeunes délinquants, ce qui était assez étrange pour moi car c’était le même genre de gamins qui me martyrisaient à l’école. Je me suis dit que si je pouvais aider ces jeunes à changer leurs manières, mon travail serait d’une grande utilité. 

Sans le savoir, St Pierre a peut-être changé la vie d’un écolier de Montréal et inspiré ce jeune à devenir un futur champion de l’UFC… Qui sait.